Les origines du Tai Chi-1

Les mythes, les histoires et la réalité sur les origines du Tai Chi.

origines du tai chi

Mythes et réalité

Les origines des pratiques traditionnelles suscitent généralement différentes histoires, selon qu’elles sont écrites de l’intérieur ou de l’extérieur, qu’elles se fondent sur l’histoire mythique ou bien sur les recherches contemporaines avancées.
Les histoires mythiques véhiculent toujours un sens symbolique ou un message philosophique et du fait de leur caractère plus ou moins merveilleux portent agréablement au rêve.
Elles finissent par s’enraciner dans la culture qui les a vues naître et force répétition, deviennent l’histoire officielle.

La civilisation chinoise a toujours su produire des histoires extraordinaires pour raconter ses grands personnages, ses éléments culturels fondateurs ou l’origine de ses connaissances.
A l’exemple de Fu Hi, qui vit apparaître une tortue magique portant sur son dos les 8 trigrammes du Yi King, de Lao T’seu qui sortit du ventre de sa mère à l’âge de 81 ans avec une barbe blanche et emplit de sagesse ou bien de Yu le Grand qui dompta les eaux ravageant régulièrement le pays, en offrant la moitié de son corps au dieu du fleuve et en créant 5 montagnes sacrées.

Les origines Tai Chi n’échappent pas à cette tradition des histoires extraordinaires.

L’histoire mythique du Tai Chi

Il est dit qu’un ermite taoïste du nom de Zhang Sanfeng vivant sur la montagne Wudang au 14° siècle créa cette pratique martiale après avoir observé un combat entre une grue et un serpent.

Il existe trois versions de cette histoire.

L’une décrit une grue attaquant puissamment avec son bec et ses ailes mais ne rencontrant que le vide car le serpent esquivait chaque attaque par des mouvements circulaires. La grue, attaquant la queue du serpent, se voyait frappée par la tête et inversement. Cette version précise que la grue renonça.

L’autre raconte le même combat mais cette fois grue et serpent se retrouvent sur un pied d’égalité et font match nul, chacun avec une stratégie différente ; le serpent avec ses mouvements souples et circulaires, la grue avec ses mouvements amples et puissants.

La troisième met en scène une divinité qui aurait transmis à Zhang Sanfeng, lors d’un rêve, l’art du Tai Chi. Celui-ci, une fois réveillé, aurait assisté à un combat entre une grue et un serpent et ainsi compris les subtilités du message divin.

Quoiqu’il en soit, le combat terminé, notre ermite réfléchit longuement et conçut une technique de combat, le Tai Chi Chuan (Taiji Quan) où les mouvements circulaires et fluides s’associaient à des frappes puissantes et directes.
Cette alternance de fluidité et de puissance n’est pas sans rappeler les notions de Yin Yang si importantes dans la civilisation chinoise.

A partir de Zhang San Feng se constitua une longue lignée de disciples dont on ne sait rien, pour aboutir à Wang Zhong Yue. Ce dernier aurait transmis le Tai Chi au clan Chen à la fin du 18e siècle.

Belle histoire qui réunit ermite et montagne, grue et serpent, tous chargés de sens symboliques forts dans la culture taoïste. Mais ce ne sont que de belles histoires…

L’histoire vue de l’intérieur par les clans Chen et Yang

L’histoire du Tai Chi véhiculée par le clan Chen relate la création de celui-ci par Chen Wang Ting (1600-1680), dans le village de Chenjia Gou, province du Henan. On ne sait pas grand-chose d’autre si ce n’est que ce représentant du clan Chen, pratiquant de haut niveau, assurait avec quelques membres de son entourage la sécurité des caravanes transportant les marchandises.

Le mode de transmission ne se faisant qu’au sein de la famille, cet art martial resta très peu connu durant deux siècles et sa renommée ne dépassa guère la proche région.

Au 19° siècle, Chen Chang Xing (1771-1853), lointain descendant, autorisa pour la première fois la transmission à un étranger. 
Cet étranger n’était autre que Yang Lu Chan, premier maître de la lignée Yang à venir.

L’histoire habituellement transmise par le clan Yang décrit Yang Lu Chan, alors employé au service des Chen, espionnant les entrainements des membres du clan et les répétant secrètement dans sa chambre jusqu’au jour où il fut surpris et dû s’expliquer.

Chen Chang Xing le testa en l’opposant à l’un de ses élèves avancés et, impressionné par son habileté, décida de lui ouvrir les enseignements secrets. L’histoire est sympathique mais peu crédible car outre le fait qu’il aurait espionné pendant des années sans se faire prendre, intégrer une technique martiale sans un entrainement régulier avec partenaire est totalement fantaisiste. Au mieux, il aurait pu apprendre la chorégraphie des mouvements mais n’aurait pas résisté à un combattant bien entrainé.

Il faut savoir qu’en Chine, à cette époque, la plupart des employés d’un clan recevaient un minimum de bases martiales afin d’être en mesure de protéger la maisonnée en cas de nécessité. Il est donc plus probable qu’il ait été admis d’entrée à recevoir des enseignements basiques et qu’au fil du temps, ses compétences le firent sortir du lot. Son niveau lui permit alors d’accéder à un enseignement plus approfondi, réservé aux membres du clan. 

Certaines variantes de l’histoire le décrivent comme un jeune homme féru d’arts martiaux qui ayant entendu parler de la technique des Chen vint tout simplement demander à suivre les enseignements de Chen Chang Xing. Quoi qu’il en soit, la seule certitude reste que Yang Lu Chan reçut sa formation au sein du clan Chen.

Bien formé mais insatisfait des connaissances acquises au sein du clan, il quitta celui-ci après quelques années afin de continuer sa quête de perfection (voir la lignée Yang). Certains membres du clan Chen, afin de minimiser l’importance de Yang Lu Chan, rejettent l’idée qu’il ait reçu quelque enseignement que ce soit de la part de Chen Chang Xing. Stratégie un peu maladroite car ce faisant, ils se privent de l’éventuelle participation au niveau exceptionnel de Yang Lu Chan…

La suite de l’article fera le point sur les recherches historiques et linguistiques actuelles en rapport avec les origines du Tai Chi.

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Jean Pierre

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